Paris, ville lumière

Une fois l'échange fait, Hamid allait retenir Richard pour lui proposer un truc, mais celui-ci avait déjà tourné le dos et était parti vers la cuisine.
Il se tourna alors vers ses compères et rajouta:

"Il devait avoir faim, lui..."

Bref, changeons de décor, et alors que Richard quitte le jeune étudiant allemand qui l'envoie un peu bouler (sacré Rosenberg), il arrive à la cantine, où un vieil homme se tenant la nuque était posé avec son chien abimé sur les genoux...

"Heu, faut voir la mère Durand, c'est elle qui gère la bouffe... Moi, j'ai vraiment pas faim... Dis vous pourriez me rendre un service ?"

Il avait pointé en l'évoquant la grosse dame qui se tenait derrière la marmite...

Ouais, pour sûr, mon pote.

Intrigué, Richard regardait le vieil homme avec curiosité. Il ne comprenait toujours pas pourquoi tout le monde semblait avoir besoin de son aide, mais après tout...On était dans un monde capitaliste qui s'écroulait, les gens avaient vite besoin des ressources de leurs compatriotes les êtres humains. Dans un sens, cette situation plaisait énormément à l'écrivain adepte de JJ Rousseau. Le troc, il aimait bien. En plus, il sentait vraiment qu'il était utile. En fait...cette situation lui plairait s'il n'y avait pas de mort-vivants en vadrouille. Il n'avait pas encore tué, pour le moment, mais savait que dans 1 minute ou dans 1h, il n'aurais peut-être pas le choix de plonger sa fourche à salade dans l'oeil d'un ancien compatriote. L'idée n'étant pas reluisante, il préféra retourner son attention vers le vieil homme blasé.

En quoi puis-je t'aider?

Au train où ça allait, il allait peut-être mettre la main sur une bonne bouteille avant la fin de la soirée. Un Bordeaux? Il se souvenait de la bouteille de Clos d'Ambonnay qu'il avait vu dans une vitrine d'une boutique de spiritueux, hors de prix et la fierté du propriétaire. Si cette boutique n'était pas à des dizaines de kilomètres d'ici, Rich se serait probablement dit que plus rien, si ce n'est les zombies, auraient pu se mettre entre lui et cette bouteille longtemps convoitée.

Le vieil homme ne pouvait s'empêcher de caresser son chien qui semblait, sinon endormi, au moins complètement groggy. Le vieil accusait d'un coup de couteau au torse qui avait éraflé son sweatshirt et un peu de sa peau en dessous. La plaie avait un joli pansement Winnie l'Ourson qui tirait les poils du torse d'Albert.

"Y'a un vieux con qui a failli me planter et qui a martyrisé mon chien. J'l'ai vu se tirer du coté est, mais moi, j'suis ben vieux. Écoute, t'as l'air jeune et frais, alors je te passe mes 3 tickets de bouffe si tu me ramène ce connard..."

Il paraissait très rancunier, d'autant que combattre contre un autre mec de son age et perdre n'était pas une chose dont il avait été fier...

Richard poussa un grognement et regarda le vieux, incrédule. Puis, il se mit à rire. Croisant les bras, il toisa le vieil homme hargneux avec beaucoup d'amusement. Franchement, il imaginait bien les deux vieux se battre pour un dernier morceau de paparmane.

Écoute, je suis pas un officier de police, et encore moins un mercenaire. Tu peux garder tes tickets repas, t'a deux bouches à nourrir, mon pote.

Il pointa du menton le clébard amoché. N'empêche...S'en prendre à un vieux avec un couteau, le type en question était vraiment extrême. Il avait toujours trouvé la vieille génération française extrémiste, mais à ce point? Il n'avait pas trop envie de rencontrer le fuyard, et encore moins de l'affronter pour le ramener à la Place du Tertre.

Si ça peux te faire plaisir, par contre, je peux t'aider à autre chose, au cas où. Mais ça, j'peux pas.

Haussant les épaules, Richard fit un sourire.

Bon, je vais aller voir cette madame Durand pour me trouver un truc à manger. Je reste dans le coin un petit moment, s'il te vient une idée, hésite pas à venir me voir.

Toujours amusé, Richard prit congé du vieux, afin de rejoindre la matrone de la cantine. Sortant son ticket, il engagea la conversation.

Une portion de nourriture, s'il-vous-plait.

Le vieux pesta. Cet enfoiré l'avait presque planté, quoi, il méritait réparation ou au moins... une explication...

"P'tit con !

Alors que Richard tournait le dos vers la matronne, le vieux commençait à voir son chien se réveiller et se sentir un peu mieux... Il avait de nouveau un sourire aux lèvres et attendait le retour du chevelu à sa table.

La matronne prit le ticket et le rangea dans une boite...

"Ah ! Comme quoi ce système de récompense pour des missions en extérieur marche bien. A propos, si tu trouves de la bouffe, hésite pas à la ramener ici, je t'offrirais des trucs que je garde en stock. Moi, de toute façon, je bouge pas d'ici, alors bon... En tout cas, tiens !"

Elle lui donna une assiette de ratatouille et lui montra le vieux bonhomme

"C'est un vieux grognon, mais c'est un bon bougre. Vous devriez l'aider, il a un peu d'influence ici."

Merci.

Richard prit l'assiette avec joie. Ratatouille. Ils n'auraient pas pu faire plus cliché que ça. Mais ça sentait salement bon, ça oui. Il écouta avec ferveur le discours de madame Boustifaille, avant de lui sourire avec bonne foi.

Je veux bien, mais ce qu'il me demande, c'est de ramener de force un vieux fou pour qu'il lui fasse sa fête. Il me demanderais de lui trouver un peu de poivre pour sa ratatouille, je ne dirais pas non. Par contre, pour les vivres, j'y penserai, hein.

Avec un autre sourire, il vint se rasseoir près du vieil homme au chien. Il prit une première bouchée de ratatouille, et vit un ''hmmmm'' en souriant, les yeux clos. P'tain, ça faisait du bien. Il avait vidé le stock de maïs en conserve ainsi que toutes les pêches au sirop de la marque ''Harold's'' avant de décider de sortir de son repère afin de trouver de la vraie nourriture cuisinée, et franchement, ça valait la peine.

Je viens de comprendre pourquoi on se bat encore pour vivre, hein.

Il se mit à rire, avant de s'empiffrer davantage avec la cuisine de madame Durand.

Alors, mon pote, tu as pensé à un truc qui t'aiderais autre que de régler ta vendetta?

La grosse dame ne dit rien et laissa son interlocuteur s'asseoir près du vieux monsieur...

"Mon chien va un peu mieux, mais ce sale con a du bien lui briser un ou deux os... L'enflure."

Le chevelu avait clairement un ton rassurant et avait visiblement été convaincu par la grosse Durand.

"A la réflexion, faudrait QUAND MÊME aller le chercher, parce que ce con, en plus d'être violent avec moi, est sorti dans la rue tout seul. Et même si c'est un sale con, j'ai pas envie qu'il y ait un zombie de plus dehors."

La ratatouille avait rapidement prit le chemin du sac estomacal (?) alors que l'écrivain faisait copain-copain avec le vieil homme bourru. En fait, il n'avait jamais vraiment été porté à socialiser avec les gens comme ça, avant, mais plus vite il rassemblait du matériel potable, plus vite il pourrait mettre les voiles. Et seul, c'était évident qu'il pourrait pas s'en tirer. Le vieux, bien que vindicatif et grognon avait quelque chose dans le crâne, si ce n'était pas un bon coeur. Richard n'avait pas vu l'escapade du vieux de cette façon. Il était vrai que seul, il ne pourrait pas grand chose...

Ouais, c'est sûr.

Richard se leva. Il tendit la main au vieillard.

Appelez-moi Rich. Je vais voir ce que je peux faire pour le vieux.

Il laissa l'assiette sur la table, et quitta la cantine. Tout sourire avait disparu. Il se prit une autre cigarette, en frémissant. Aller se promener dans la ville, avec les zombies et tout, pour trouver un type qui, si ça se trouve, était déjà peut-être mort, nah, ça lui plaisait pas. Qu'il crève, le vieux fou, il n'avait qu'à pas partir comme ça, seul. Il alla donc s'asseoir à l'écart, pour observer la populace locale. Il avait le ventre plein, de la fumette au bec, lui manquerait plus qu'une bouteille de bon rouge et il serait aux anges. Ou presque.

Deux flics assis sur une table pas trop loin discutaient. Etant à petite distance, Richard put les entendre parler, mais leur discussion avait déjà commencé il y a un moment...

"N'empèche qu'à ce rythme on va tous y passer"

"Y'a l'cureton au Sacré Coeur qui s'en sort pas mal, de là haut, on pourrait voir s'il y a du monde à Paris de vivant ?"

"Je sais pas, c'est quand même vachement haut"

"Justement !"

"Compte pas sur moi. J'préfère crever de faim que de me suicider en tombant de là-haut"

Un peu plus loin, il pouvait voir la barricade Est un peu agitée et plusieurs policiers qui semblaient prêts à sortir et qui rameutaient du monde.

Richard écoutait d'une oreille distraite la discussion entre les policiers. Il était vrai que si dès le début ils s'étaient bien organisés, ici, à la place du Tertre, il était évident qu'il faudrait bientôt quitter les lieux si on voulait survivre. Déjà, les provisions venaient à manquer...Pour couronner le tout, pour chaque homme mort, un zombie venait grossir les rangs des armées du chaos. Tirant une bouffée sur sa cigarette, Richard songea qu'il allait peut-être se tirer un bon gros somme d'une dizaine d'heure à l'appartement du prof toujours introuvable.

Il se leva, et passa une main dans ses cheveux. Il jeta négligemment le mégot au sol, et, se frottant les mains, commença à se diriger vers le complexe d'appartement d'où il était sortit quelques temps plus tôt. Il avait eu assez d'aventures pour aujourd'hui. Certes...à part avoir affronté 1 seul zombie, il n'avait pris que deux cigarettes et un fichu de bon repas, mais pour l'écrivain amateur, c'était bien assez. Puis, à l'est, il voyait énormément de grabuge. Des policiers criaient des ordres. Mû par la curiosité, et par un sentiment étrange qu'il pourrait peut-être mettre la main sur un autre objet utile, Richard s'approcha du rassemblement pour en apprendre plus sur ce qu'il se préparait.

Arrivé sur place, Richard pouvait voir deux policiers en train de rameuter assez de monde pour effectuer une sortie de groupe. Déjà deux hommes et une femme étaient prêts à sortir et le plus vieux des deux flics expliquait ce qui allait se passer:

"Y'a un musée place Utrillo ! Là bas, y'aura des masses, des épées, des trucs qui tranchent, bref de l'utile pour se tirer d'ici ! Qui est avec moi ?"

Pour tout dire, la place Utrillo est située à 5m de marche, et était placée en face du parc. Autant dire qu'il y aurait sans doute pas mal de danger en route, et que ceux qui feraient partie de l'expédition, si elle arrivait à destination, seraient bien armés pour sortir de là.

Amusé, Richard Pascal n'avait plus du tout envie d'aller se coucher pour la nuit. On préparait un pillage en force d'un musée Place Utrillo? Pourquoi pas, après tout? Il imaginait fort bien la bande de français attriqués en chevaliers à la Don Quichotte, parcourir les rues de la villes avec leur hallebardes, leur lances et leur fleurets. L'idée lui plaisait bien. De plus, qui sait ce qu'il pourrait trouver, dans le musée? Voyant l'agitation des gens, à savoir s'ils allaient y aller ou pas, Richard réfléchit. Un homme se proposa, suivit bientôt d'une femme et d'un autre mec. L'équipe serait petite, mobile...

J'embarque!

Sa voix forte, claire, mi-amusée, mi-déterminée, s'éleva au dessus de la foule. Il s’avança vers les policiers, se frayant un chemin dans la foule chaotique, son arme improvisée à la main. Arrivé au centre, en compagnie des hommes et de la femme déterminés à faire partie de l'aventure, il répéta sa réponse.

J'embarque.

Bras croisés, il attendait de voir si d'autres personnes souhaiteraient se joindre à l'expédition. Il ne devait pas être bien tard, et bien que la place Utrillo n'était pas bien loin, ils devraient traverser plusieurs rues. Rich le savait, car il fréquentait une employée de ce musée, quelques mois plus tôt, et allait parfois la chercher à son boulot. Pour ce qui est de l'intérieur, néanmoins, il songea que si Annette était là, ils auraient bien eu besoin d'un guide...